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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/138

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épousé aussi Durdané, ce qui le faisait mari de deux femmes, situation aujourd’hui démodée en Turquie. Alors, pour éviter toute scène inélégante, elle avait simplement demandé, et obtenu, qu’on lui permît de se retirer deux mois à Khassim-Pacha, chez sa grand’mère, le temps d’envisager cette situation nouvelle, et de s’y préparer dans le calme.

Un soir donc, elle était silencieusement partie, — d’ailleurs décidée à tout plutôt que de rentrer dans cette maison, pour y tenir le rôle d’odalisque auquel on voulait de plus en plus la plier.

Zeyneb et Mélek venaient aussi toutes deux de retourner à Khassim-Pacha, Mélek, après des mois de torture et de larmes, ayant enfin divorcé avec un mari atroce, Zeyneb, délivrée du sien par la mort, après un an et demi de cohabitation lamentable avec ce valétudinaire qui répugnait à tous ses sens. Irrémédiablement atteintes, presque en même temps, dans leur prime jeunesse, déflorées, lasses, devenues comme des épaves de la vie, elles avaient cependant pu reprendre et resserrer, dans l’infini découragement, leur intimité de sœurs.

La nouvelle de l’arrivée d’André Lhéry à Constantinople, reproduite par les journaux turcs, avait été pour elles tout à fait stupéfiante, et, du même coup, leur Dieu d’autrefois était tombé de son piédestal : ainsi, cet homme était quelqu’un comme tout le