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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/156

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rêveurs ; c’étaient des Imans, ces voisins de fumerie, qui les avaient salués à la turque, ne les croyant point des étrangers, et André s’amusait de leur méprise, favorable à ses projets.

Ils avaient là, bien sous leurs yeux, le tout petit débarcadère tranquille, où sans doute elles allaient arriver ; un bonhomme à barbe blanche, qui en était le surveillant, y faisait une facile police, du bout de sa gaffe dirigeant l’accostage des rares caïques, et on voyait miroiter doucement l’eau de ce golfe très enclos, sans marée, toujours baignant les marches séculaires.

C’est le bout du monde, ce fond de la Corne-d’Or ; on n’y passe point pour se rendre ailleurs, cela ne mène nulle part. Sur les berges non plus, il n’y a point de route pour s’avancer plus loin ; tout vient mourir ici, le bras de mer et le mouvement de Constantinople ; tout y est vieux et délaissé, au pied de collines arides, d’une couleur brune de désert, emplies de sépultures. Après ce petit café sur pilotis, où ils attendaient, encore quelques maisonnettes en bois déjeté, un vieux couvent de derviches tourneurs, et puis plus rien, que des pierres tombales, dans une solitude.

Ils surveillaient les caïques légers, qui accostaient de temps à autre, venant de la rive de Stamboul ou de celle de Khassim-Pacha, et amenaient des fidèles pour la mosquée, pour les tombeaux, ou bien des habitants