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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/165

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je vous l’aurais demandé… Des noms d’emprunt, c’est comme une barrière…

— Donc, voici. « Néchédil » s’appelle Zeyneb : le nom d’une dame pieuse et sage, qui jadis à Bagdad enseignait la théologie ; et cela lui va très bien… « Ikbal » s’appelle Mélek[1], et comment ose-t-on usurper un nom pareil, étant la petite peste qu’elle est ?… Quant à moi, « Zahidé », je m’appelle Djénane[2], et, si vous savez jamais mon histoire, vous verrez quelle dérision, ce nom-là !… Allons, répétez à présent : Zeyneb, Mélek, Djénane.

— Inutile, je n’oublierai pas. D’ailleurs, puisque vous avez tant fait, il vous reste à m’apprendre une chose essentielle : quand on vous parle, est-ce Madame qu’il faut vous dire, ou bien…

— Il faut nous dire rien du tout : Zeyneb, Mélek, Djénane, sans plus.

— Oh ! cependant…

— Cela vous choque… Que voulez-vous, nous sommes des petites barbares… Eh bien ! alors, si vous y tenez, que ce soit Madame,… Madame à toutes les trois, hélas !… Mais nos relations déjà sont tellement contraires à tous les protocoles !… Un peu plus ou un peu moins, qu’importerait ? Et puis, voyez combien notre amitié risque de n’avoir pas de lendemain : un

  1. Mélek signifie : ange.
  2. Djénane (qui s’écrit Djenan) signifie : Bien-aimée.