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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/171

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rien dit, que des choses enfantines ou quelconques, et cependant elles le tenaient déjà, au moins par un lien de sollicitude affectueuse… C’étaient leurs voix peut-être ; surtout celle de Djénane, une voix qui avait l’air de venir d’ailleurs, du passé peut-être, qui différait, on ne savait par quoi, des habituels sons terrestres…

Ils avançaient toujours ; ils allaient comme étendus sur l’eau même, tant on en est près dans ces minces caïques presque sans rebords. Ils avaient dépassé la mosquée de Soliman, qui trône au-dessus de toutes les autres, au point culminant de Stamboul, dominant tout de ses coupoles géantes. Ils avaient franchi cette partie de la Corne-d’Or où des voiliers d’autrefois stationnent toujours en multitude serrée : hautes carènes à peinturlures, inextricable forêt de mâts grêles portant tous le croissant de l’Islam sur leurs pavillons rouges. Le golfe commençait de s’ouvrir devant eux sur l’échappée plus large du Bosphore et de la Marmara, où les paquebots sans nombre leur apparaissaient, transfigurés par l’éloignement favorable. Et maintenant c’était la côte d’Asie qui entrait brusquement en scène avec splendeur ; une autre ville encore, Scutari donnait cette illusion, de presque chaque soir, qu’il y avait le feu dans