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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/186

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d’abord silencieuses. Avec leurs longues hérédités musulmanes, révéler son visage leur paraissait une chose malséante, leur liaison avec André en devenait tout de suite plus coupable… Et enfin, ce fut Mélek qui s’engagea délibérément pour ses sœurs, mais sur un ton un peu narquois, qui donnait à penser :

"Nos photos sans tcharchaf ni yachmak, vous voulez ? Bien ; le temps de les faire, et la semaine prochaine vous les aurez… Et maintenant, asseyons-nous tous ; la parole est à Djénane, qui a une grande prière à vous adresser ; allumez une cigarette:vous vous ennuierez toujours moins.

— C’est de notre part, cette prière, dit Djénane, et de la part de toutes nos sœurs de Turquie… Monsieur Lhéry, prenez notre défense ; écrivez un livre en faveur de la pauvre musulmane du XXe siècle !… Dites-le au monde, puisque vous le savez, que, à présent, nous avons une âme; que ce n’est plus possible de nous briser comme des choses… Si vous faites cela, nous serons des milliers à vous bénir… Voulez-vous ? "

André demeurait silencieux, comme elles tout à l’heure, à la demande du portrait ; ce livre-là, il ne le voyait pas du tout ; et puis il s’était promis de faire l’Oriental à Constantinople, de flâner et non d’écrire…

"Comme c’est difficile, ce que vous attendiez de moi !…