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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/190

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maison

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et cette impasse, qui, en cas de surprise, eussent constitué une parfaite souricière. Si par hasard on entendait marcher dehors, sur les pavés sertis d’une herbe triste, elles regardaient inquiètes à travers les quadrillages protecteurs : quelque vieux turban qui rentrait chez lui, ou bien le marchand d’eau du quartier avec son outre sur les reins.

Théoriquement, ils devaient s’appeler tous les trois par leurs noms, sans plus. Mais aucun d’eux n’avait osé commencer, et ils ne s’appelaient pas.

Une fois, ils eurent le grand frisson : le frappoir de cuivre, à la porte extérieure, retentissait sous une main impatiente, menant un bruit terrible au milieu de ce silence des maisons mortes, et ils se précipitèrent tous aux fenêtres grillées : une dame en tcharchaf de soie noire, appuyée sur un bâton et l’air très courbé par les ans.

"Ce n’est rien de grave, dirent-elles, l’incident était prévu. Seulement il va falloir qu’elle entre ici.

— Alors, je me cache ?…

— Ce n’est même pas nécessaire. Va, Mélek, va lui ouvrir, et tu lui diras ce qui est convenu. Elle ne fera que traverser et ne reparaîtra plus… Passant devant vous, peut-être demandera-t-elle en turc comment va le petit malade, et vous n’avez qu’à répondre, en turc aussi bien entendu, qu’il est beaucoup mieux depuis ce matin."