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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/194

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auprès de ces affections ardentes que l’on éveille çà et là, aux deux bouts du monde, dans des âmes de femmes inconnues, —et qui sont peut-être la seule raison que l’on ait d’écrire !

Aujourd’hui il y avait confiance, entente et amitié sans nuage, entre André Lhéry et les trois petits fantômes de son harem. Elles savaient beaucoup de lui, par leurs lectures ; et, comme, lui, ne savait rien d’elles, il écoutait plus qu’il ne parlait. Zeyneb et Mélek racontèrent leur décevant mariage, et l’enfermement sans espérance de leur avenir. Djénane au contraire ne livra encore rien de précis sur elle-même.

En plus des sympathies confiantes qui les avaient si vite rapprochés, il y avait une surprise qu’ils se faisaient les uns aux autres, celle d’être gais. André se laissait charmer par cette gaieté de race et de jeunesse, qui leur était restée envers et contre tout, et qu’elles montraient mieux, à présent qu’il ne les intimidait plus. Et lui, qu’elles s’étaient imaginé sombre, et qu’on leur avait annoncé comme si hautain et glacial, voici qu’il avait ôté tout de suite pour elles ce masque-là, et qu’il leur apparaissait très simple, riant volontiers à propos de tout, resté au fond beaucoup plus jeune que son âge, avec même une pointe d’enfantillage mystificateur. C’était la première fois qu’il causait avec des femmes turques du monde. Et elles, jamais de leur vie n’avaient causé avec un homme,