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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/198

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Lhéry ! Car vous n’imaginez pas ce que c’est pénible de respirer là-dessous !…

— Justement, j’allais vous demander pourquoi vous les mettiez. En présence de votre ami, vous ne pourriez pas vous contenter d’être comme toutes celles que l’on croise à Stamboul : voilées, oui, mais avec une certaine transparence laissant deviner quelque chose, le profil, l’arcade sourcilière, les prunelles parfois. Tandis que, vous, moins que rien…

— Et, vous savez, cela n’a pas l’air comme il faut du tout, d’être si cachées que ça… Règle générale, quand vous rencontrez dans la rue une mystérieuse à triple voile, vous pouvez dire : Celle-ci va où elle ne devrait pas aller. (Exemple, nous, du reste.) Et c’est tellement connu, que les autres femmes sur son passage sourient et se poussent le coude.

— Voyons, Mélek, reprocha doucement Djénane, ne fais pas des potins comme une petite Pérote… « Les désenchantées », oui, la consonance serait joli mais le sens un peu à côté…

— Voici comment je l’entendais. Rappelez-vous les belles légendes du vieux temps, la Walkyrie qui dormait dans son burg souterrain ; la princesse-au-bois-dormant, qui dormait dans son château au milieu de la forêt. Mais, hélas ! on brisa l’enchantement et elles s’éveillèrent. Eh bien ! vous, les musulmanes, vous dormiez depuis des siècles d’un si tranquille sommeil, gardées