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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/199

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par les traditions et les dogmes !… Mais soudain le mauvais enchanteur qui est le souffle d’Occident, a passé sur vous et rompu le charme, et toutes en même temps vous vous éveillez ; vous vous éveillez au mal de vivre, à la souffrance de savoir…"

Djénane cependant ne se rendait qu’à moitié. Visiblement, elle avait un titre à elle, mais ne voulait pas le dire encore.

Les nouvelles venues étaient aussi des révoltées, et à outrance. On s’occupait beaucoup à Constantinople, ce printemps-là, d’une jeune femme du monde, qui s’était évadée vers Paris ; l’aventure tournait les têtes, dans les harems, et ces deux petites dames-fantômes en rêvaient dangereusement.

"Vous, leur disait Djénane, peut-être trouveriez-vous le bonheur là-bas, parce que vous avez dans le sang des hérédités occidentales. (Leur aïeule, monsieur Lhéry, était une Française qui vint à Constantinople, épousa un Turc et embrasse l’Islam.) Mais moi, mais Zeyneb, mais Mélek, quitter notre Turquie ! Non, pour nous trois, c’est un moyen de délivrance à écarter. De pires humiliations encore, s’il le faut, un pire esclavage. Mais mourir ici, et dormir à Eyoub !…

— Et comme vous avez raison ! " conclut André.

Elles disaient toujours qu’elles allaient s’absenter, partir pour un temps. Était-ce vrai ? Mais André, en les