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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/205

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XVI


Elles avaient bien quitté Constantinople, car André Lhéry, quelques jours après, reçut de Djénane cette lettre, qui portait le timbre de Salonique :


Le 18 mai.

Notre ami, vous qui tant aimez les roses, que n’êtes-vous avec nous ! Vous qui sentez l’Orient et l’aimez comme nul autre Occidental, oh ! que ne pouvez-vous pénétrer dans le palais du vieux temps où nous voici installées pour quelques semaines, derrière de hauts murs sombres et tapissés de fleurs !

Nous sommes chez une de mes aïeules, très loin de la ville, en pleine campagne. Autour de nous tout est vieux : êtres et choses. Il n’y a ici que nous de jeunes, avec les fleurs du printemps et nos trois petites esclaves circassiennes, qui trouvent leur sort heureux et ne comprennent pas nos plaintes.

Depuis cinq ans que nous n’étions pas venues, nous l’avions oubliée, cette vie d’ici, auprès de laquelle notre vie de Stamboul paraîtrait presque facile et libre. Rejetées brusquement dans ce milieu, dont toute une géné-