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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/210

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tenant d’or vif, — ces lettres qui disaient, après une courte poésie sur la mort : « Priez pour l’âme de Nedjibé, fille de Ali-Djianghir, morte le 18 Moharrem 1297. » On ne voyait déjà plus bien que des ouvriers avaient dû travailler là récemment, car, autour de l’épaisse dalle servant de base, les menthes, les serpolets, toute la petite végétation odorante des terrains pierreux s’était hâtée de pousser, au soleil de mai. Quant aux grands cyprès, eux qui ont vu couler des règnes de khalifes et des siècles, ils étaient tels absolument qu’André les avait toujours connus, et sans doute tels que cent ans plus tôt, avec leurs mêmes attitudes, les mêmes gestes pétrifiés de leurs branches couleur d’ossements secs, qu’ils tendent vers le ciel comme de longs bras de morts. Et les antiques murailles de Stamboul déployaient à perte de vue leur ligne de bastions et de créneaux brisés, dans cette solitude toujours pareille, peut-être plus que jamais délaissée.

Il faisait limpidement beau. La terre et les cyprès sentaient bon ; la résignation de ces cimetières sans fin était aujourd’hui attirante, douce et persuasive, on avait envie de s’attarder là, on souhaitait partager un peu la paix de tous ces dormeurs, au grand repos sous les serpolets et les menthes.

André s’en alla rasséréné et presque heureux, pour avoir enfin pu remplir ce pieux devoir, tellement