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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/229

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ou bleue. Fenêtres libres, ou fenêtres si grillagées des impénétrables harems. Maisons de tous les temps et de tous les styles. Du côté d’Europe, hélas ! déjà quelques villas baroques de Levantins en délire, façades composites ou même art nouveau, écœurantes à côté des harmonieuses demeures de la vieille Turquie, mais noyées encore et négligeables dans la beauté du grand ensemble. Du côté d’Asie, où n’habitent guère que des Turcs, dédaigneux des pacotilles nouvelles et jaloux de silence, on peut sans déception longer de près la terre, car il est intact, le charme de passé et d’Orient qui plane encore là partout. À chaque détour de la rive, à chaque petite baie qui s’ouvre au pied des collines boisées, on ne voit apparaître que choses d’autrefois, grands arbres, recoins d’oriental mystère. Point de chemins pour suivre le bord de l’eau, chaque maison, d’après la coutume ancienne, ayant son petit quai de marbre, séparé et fermé, où les femmes du harem ont le droit de se tenir, en léger voile, pour regarder à leurs pieds les gentils flots toujours courants et les fins caïques qui passent, arqués en croissant de lune. De temps à autre, des criques ombreuses, et si calmes, emplies de barques à longue antenne. De très saints cimetières, dont les stèles dorées semblent s’être mises là bien au bord, pour regarder elles aussi cheminer tous ces navires, et se mouvoir en cadence tous ces rameurs. Des mosquées, sous de