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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/228

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navigation sur ce Bosphore, peuplé de la multitude des navires et des barques qui sans trêve montent ou descendent.

Au milieu du détroit, entre les deux rives bordées sans fin de maisons ou de palais, c’est le défilé ininterrompu des paquebots, des énormes vapeurs modernes, ou bien des beaux voiliers d’autrefois cheminant par troupes dès que s’élève un vent propice ; tout ce que produisent et exportent les pays du Danube, le Sud de la Russie, même la Perse lointaine et le Boukhara, s’engouffre dans ce couloir de verdure, avec le courant d’air perpétuel qui va des steppes du Nord à la Méditerranée. Plus près des berges, c’est le va-et-vient des embarcations de toute forme, yoles, caïques effilés que montent des rameurs brodés d’or, mouches électriques, grandes barques peinturlurées et dorées où des équipes de pêcheurs rament debout, étendant leurs longs filets qui accrochent tout au passage. Et, traversant cette mêlée de choses en marche, de continuels et bruyants bateaux à roues, du matin au soir, transportent entre les Échelles d’Asie et les Échelles d’Europe, les hommes au fez rouge et les dames au visage caché.

De droite et de gauche, le long de ce Bosphore, vingt kilomètres de maisons, dans les jardins et les arbres, regardent par leurs myriades de fenêtres, ces empressements qui ne cessent jamais sur l’eau verte