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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/244

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est, dans les arbres et les prairies, une petite rivière où l’on vient en foule, les vendredis de printemps. Et il y a les Eaux-Douces d’Asie : une rivière encore plus en miniature, presque un ruisseau, qui coule des collines asiatiques pour se jeter dans le Bosphore, et où l’on se réunit tous les vendredis d’été.

À l’heure où André s’y rendait aujourd’hui, quantité d’autres caïques y venaient aussi des deux rives, les uns amenant des dames voilées, les autres des hommes en fez rouge. Au pied d’une fantastique citadelle du moyen âge sarrasin, hérissée de tours et de créneaux, et près d’un somptueux kiosque au quai de marbre, appartenant à Sa Majesté le Sultan, s’ouvre ce petit cours d’eau privilégié qui attire chaque semaine tant de belles mystérieuses.

Avant de s’engager là, entre les berges de roseaux et de fougères, André s’était retourné pour voir si vraiment elles venaient aussi, ses amies, et il avait cru reconnaître, là-bas, loin derrière lui, leurs trois silhouettes en tcharchaf noir, et la livrée bleu et or de leurs bateliers.

Déjà beaucoup de monde, quand il arriva ; du monde sur l’eau ; des barques de toute forme et des livrées de toute couleur ; du monde alentour, sur ces pelouses presque trop fines et trop jolies qui s’arrangent en amphithéâtre, comme exprès pour les gens qui veulent s’asseoir et regarder ces barques passer. Çà