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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/243

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ne manquait jamais de se rendre, et la vieille demeure de Djénane, sans doute très facile à reconnaître, était sur le chemin. Étendu dans son caïque, il passa aussi près que la discrétion put l’y autoriser. Le yali, tout en bois suivant la coutume turque, un peu déjeté par le temps, et peint à l’ocre sombre, avait grand air, mais combien triste et secret ! Par la base, il baignait presque dans le Bosphore, et les fenêtres de ses amies captives surplombaient l’eau marine, qu’agitait l’éternel courant. Derrière, c’étaient des jardins haut murés, qui montaient se perdre dans les bois du coteau voisin.

Sous la maison s’ouvrait une de ces espèces d’antres voûtés, qui étaient d’usage général dans le vieux temps pour remiser les embarcations des maîtres, et André, comme il approchait, en vit sortir un beau caïque équipé pour la promenade, rameurs en veste de velours bleu brodé d’or, et long tapis de même velours, brodé pareillement, qui traînait dans l’eau. Iraient-elles aux Eaux-Douces, elles aussi, ses petites amies ? Cela en avait tout l’air.

Il passa, en jetant un coup d’œil aux grillages indiqués ; des doigts fins, chargés de bagues, en sortirent, et le coin d’un mouchoir de dentelles. Rien qu’à la façon enfantine de remuer ces doigts-là et de faire danser ce bout de mouchoir, André tout de suite reconnut Mélek.

À Constantinople, il y a des Eaux-Douces d’Europe :