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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/280

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de notre valeur séveillait à peine, et autour de nous on était volontairement ignorant et suprêmement dédaigneux de lévolution commencée !

Nulle voix ne sélèverait donc, pour crier leur aveuglement à ces hommes, pourtant bons et parfois tendres, nos pères, nos maris, nos frères ! Toujours, pour le monde entier, la femme turque serait donc lesclave achetée à cause de sa seule beauté, ou la Hanum lourde et trop blanche, qui fume des cigarettes et vit dans un kieff perpétuel ?….

Mais vous êtes venu, et vous savez le reste. Et nous voici toutes trois à vos ordres, comme de fidèles secrétaires, toutes trois et tant dautres de nos sœurs si nous ne vous suffisions pas ; nous voici prêtant nos yeux à vos yeux, notre cœur à votre cœur, offrant notre âme tout entière à vous servir….

Nous pourrons nous rencontrer peut-être une fois ou deux, ici au Bosphore, avant lépoque de redescendre en ville. Nous avons tant damies très sûres, disséminées le long de cette côte, et toujours prêtes à nous aider pour établir nos alibis.

Mais jai peur… Non pas de votre amitié : comme vous lavez dit, elle est pour nous au-dessus de toute équivoque… Mais jai peur du chagrin,… dans la suite, après votre départ.

Adieu, André, notre ami, mon ami. Que le bonheur vous accompagne ! DJÉNANE."

"Djénane ne vous la sûrement pas raconté. La dame en rose qui fumait vos cigarettes lautre soir chez les Saint-Énogat, —madame de Durmont, pour ne pas la nommer, —était venue passer laprès-midi chez nous aujourdhui, soi-disant pour chanter des duos de Grieg avec Zeyneb. Mais elle a tellement parlé de vous et avec un tel enthousi