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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/281

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siasme qu’une jeune amie russe, qui se trouvait là, n’en revenait pas. La peur nous a prises qu’elle se doutât de quelque chose et voulût nous tendre un piège ; alors nous vous avons bien bêché, en nous mordant les lèvres pour ne pas rire, et elle a donné là-dedans en plein, et vous a défendu avec violence. Autant dire que sa visite n’a été que confrontation et interrogatoire sur nos sentiments respectifs pour vous. Quel heureux mortel vous faites !

Nous venons d’imaginer et de combiner un tas de délicieux projets pour nous revoir. Votre valet de chambre, celui que vous dites si sûr, sait-il conduire ? En le coiffant lui aussi d’un fez, nous pourrions faire une promenade avec vous en voiture fermée, lui sur le siège. Mais tout cela, il faut le combiner de vive voix, la prochaine fois que nous nous verrons.

Vos trois amies vous envoient beaucoup de choses jolies et tendres.

MÉLEK.


Ne manquez pas au moins le jour des Eaux-Douces, demain ; nous tâcherons d’y être aussi. Comme les autres fois, passez avec votre caïque du côté d’Asie, sous nos fenêtres. Si on vous fait voir un coin de mouchoir blanc, par un trou des quadrillages, c’est qu’on ira vous rejoindre ; si le mouchoir est bleu, cela signifiera : « Catastrophe, vos amies sont enfermées.

M…


Jusqu’à la fin de la saison, ils eurent donc aux Eaux-Douces d’Asie leurs rendez-vous muets et dissimulés. Chaque fois que le ciel fut beau, le vendredi, — et le mercredi qui est aussi un jour de réunion sur la gentille rivière ombreuse, — le caïque d’André croisa et