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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/283

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XXVII


DJÉNANE À ANDRÉ


28 septembre 1904.

Pour nous, quelle impression nouvelle de savoir que, dans la foule des Eaux-Douces, on a un ami ! Parmi ces étrangers, qui nous resteront à jamais inconnus et nous considèrent de leur côté comme d’inconnaissables petites bêtes curieuses, savoir que peut-être un regard nous cherche, — nous en particulier, pas les autres pareillement voilées : — savoir que peut-être un homme nous envoie une pensée d’affectueuse compassion ! Quand nos caïques se sont abordés, vous ne me voyiez point, cachée sous mon voile épais, mais j’étais là pourtant, heureuse d’être invisible, et souriant à vos yeux qui regardaient dans la direction des miens.

Est-ce parce que vous avez été si bon et si simple, si bien l’ami tel que je le désirais, l’autre jour, là-haut, devant la Mer Noire, pendant notre entrevue qui fut cependant presque sans paroles ? Est-ce parce que j’ai senti enfin, sous le laconisme de vos lettres, un peu d’affection vraie et émue ? J’ignore, mais vous ne me semblez plus si lointain. Oh ! André, dans des âmes long-