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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/295

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ini à tout jamais. Or, cet éternel voile noir sur cette figure de jeune femme devenait pour lui un malaise obsédant, une croissante souffrance, à mesure qu’il sattachait à elle davantage. Oh ! savoir ce qu’il y avait là-dessous ! Rien quun instant, saisir laspect de cette sirène à voix céleste, pour le fixer ensuite dans sa mémoire !… Et puis, pourquoi se cachait-elle, et pas ses sœurs ? Quelle différence y avait-il donc ? À quel sentiment autre et inavoué pouvait-elle bien obéir, la petite âme altière et pure ?…

Une explication parfois lui traversait lesprit, mais il la chassait aussitôt comme absurde et entachée de fatuité:Non, se disait-il toujours, elle pourrait être ma fille; ça na pas le sens commun."

Et elle se tenait là tout près de lui ; il naurait eu quà soulever de la main ce morceau détoffe, qui pendait à peine plus bas que la barbe dun loup de bal masqué ! Pourquoi fallait-il que ce geste si tentant, si simple, fût aussi impossible et odieux quun crime !…

Lheure passait, et il serait bientôt temps de les quitter. Le rayon du soleil de novembre sen allait vers les toits, —toujours ce même rayon sur le mur den face, dont le reflet jetait dans lhumble harem un peu de lumière.

« Écoutez-moi, petite amie, dit-il brusquement, il faut à tout prix que je connaisse vos yeux ; je ne peux