Aller au contenu

Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fontaine en marbre, aux arabesques d’or presque éteint.

André, coiffé du fez des Turcs, s’engageait dans ces quartiers d’après les indications d’une carte faite par Mélek avec notes à l’appui. Une fois, il s’arrêta pour contempler l’une de ces nichées de petits chiens errants, qui pullulent à Constantinople, et auxquels les bonnes âmes du voisinage avaient, comme d’habitude, fait l’aumône d’une litière en guenille et d’un toit en vieux tapis. Ils gîtaient là-dessous, avec des minois aimables et joyeux. Cependant il ne les caressa point, de peur de se trahir, car les Orientaux, s’ils sont pleins de pitié pour les chiens, dédaignent de les toucher, et réservent pour les chats leurs câlineries. Mais la maman vint quand même ramper devant lui, en faisant des grâces, pour bien marquer à quel point elle se sentait honorée de son attention.

« La quatrième maison à gauche, après un kiosque funéraire et un cyprès », était le lieu où le convoquait aujourd’hui le caprice de ses trois amies. Un domino noir, au voile baissé et qui semblait n’être pas Mélek, l’attendait derrière la porte entrouverte, le fit monter sans mot dire, et le laissa seul dans un petit salon très oriental et très assombri par des grillages de harem : divans tout autour et inscriptions d’Islam décorant les murailles. À côté, on entendait des chuchotements, des pas légers, des frous-frous de soie.