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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/303

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Et, quand le même domino inconnu revint lappeler dun signe et lintroduisit dans la salle proche, il put se croire Aladin entrant dans son sérail. Ses trois austères petits fantômes noirs dautrefois étaient là, métamorphosés en trois odalisques, qui étincelaient de broderies dor et de paillettes avec une magnificence adorablement surannée. Des voiles anciens de la Mecque, en gaze blanche toute pailletée, tombaient derrière elles, sur leurs épaules, enveloppant leurs cheveux arrangés en longues nattes ; debout, le visage tout découvert, inclinées devant lui comme devant le maître, elles lui souriaient avec leur fraîche jeunesse aux gencives roses.

Cétaient les costumes, les bijoux des aïeules, exhumés pour lui des coffres de cèdre; encore avaient-elles su, avec leur tact délégantes modernes, choisir parmi les satins doucement fanés et les archaïques fleurs dor brodées en relief pour composer des assemblages particulièrement exquis. Elles lui donnaient là un spectacle que personne ne voit plus et auquel ses yeux dEuropéen nauraient jamais osé prétendre. Derrière elles, plus dans lombre, et rangées sur les divans, cinq ou six complices discrètes se tenaient immobiles, uniformément noires en tcharchaf et le voile baissé, leur silencieuse présence augmentant le mystère. Tout cela, quon neût fait pour aucun autre, était dune audace inouïe, dun stupéfiant défi