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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/320

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où les minarets allument tous leurs couronnes de feux, pour la féerie dune nuit de Ramazan ; ils nétaient pour le moment qu’à peine indiqués, en gris plus sombre, sur le gris presque pareil du ciel. Stamboul, ainsi qu’il arrivait souvent, lui montrait une silhouette aussi estompée et incertaine que dans ses songes, jadis quand il voyageait au loin. Mais à lextrême horizon, vers lOuest, il y avait comme une frange noire assez nettement découpée sur un peu de rose qui traînait là, dernier reflet du soleil couché, —une frange noire : les cyprès des grands cimetières. Et il pensait, les yeux fixés là-bas : elle dort, au milieu de cet infini de silence et d’abandon, sous ses humbles morceaux de marbre, que cependant par pitié jai fait relever et redorer….

Eh bien ! oui, la tombe était réparée et confiée à des musulmanes, dont les soins pieux avaient chance de se prolonger quelques années encore, car elles étaient jeunes. Et puis après ? Est-ce que ça empêcherait cette période de sa vie, ce souvenir de jeunesse et damour, de séloigner, de tomber toujours plus effroyablement vite dans labîme des temps révolus et des choses qui sont oubliées de tous ? Dailleurs, ces cimetières eux— mêmes, si anciens cependant et si vénérés, à quelle continuation pouvaient-ils prétendre ? Quand lIslam, menacé de toutes parts, se replierait sur lAsie voisine, les nouveaux arrivants que feraient-ils de