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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/319

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tière, où ils se tenaient depuis un moment immobiles. Et tout à coup la poitrine de Zeyneb, sous ses voiles noirs, fut secouée d’une toux déchirante.

— Allons-nous-en, dit André qui s’épouvanta, de grâce allons-nous-en, et maintenant marchons très vite…

Avant de s’en aller, chacune avait voulu prendre une de ces brindilles de cyprès, dont la tombe était jonchée ; or, pendant que Mélek, toujours la moins voilée de toutes, se baissait pour ramasser la sienne, il entrevit ses yeux pleins de larmes, — et il lui pardonna bien sa gaieté de tout à l’heure dans la rue.

Arrivés à leurs voitures, ils se séparèrent, pour ne pas prolonger inutilement le péril d’être ensemble. Après leur avoir fait promettre de donner au plus tôt des nouvelles de leur retour au harem, dont il s’inquiétait, car la fin de la journée était proche, il s’en alla pour Eyoub, tandis que leur cocher les ramenait par la porte d’Andrinople.


Six heures maintenant. André rentré chez lui, à Péra. Oh ! le sinistre soir ! À travers les vitres de ses fenêtres, il regardait s’effacer dans la nuit l’immense panorama, qui lui donnait cette fois un des rappels, les plus douloureux qu’il eût jamais éprouvés, du Constantinople d’autrefois, du Constantinople de sa jeunesse. La fin du crépuscule. Mais pas encore l’heure