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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/330

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et, dans nos harems, nous en avons tant d’autres qui l’égalent. Il est vrai, elles sont obligées d’opérer en secret, et quant à former des comités de bienfaisance, interdiction absolue, car nos maîtres désapprouvent ces contacts avec les femmes du peuple, par crainte que nous ne leur communiquions nos pessimismes, nos détraquements et nos doutes.

Mélek, dont les interruptions brusques étaient la spécialité, proposa de faire essayer à André sa cachette en cas de grande alarme : c’était derrière un chevalet d’angle, qui supportait un tableau et que drapaient des brocarts :

— Un surcroît de précaution, dit-elle cependant, car rien n’arrivera. Le seul valide de la famille en ce moment, c’est mon père, et il ne quittera Yldiz qu’après le coup de canon de Moghreb…

— Oui, mais enfin, objecta André, si quelque chose d’imprévu le ramenait avant l’heure ?

— Eh bien ! dans un harem on n’entre pas sans être annoncé. Nous lui ferions dire qu’une dame turque est ici en visite, Ubeydé Hanum, et il se garderait de franchir notre porte. Pas plus difficile que ça, quand on sait s’y prendre… Non, il n’y a vraiment que votre sortie, tout à l’heure, qui sera délicate.

Sur le piano traînaient les feuillets manuscrits d’un nocturne que Djénane venait de composer, et André eût aimé se le faire jouer là par elle, qu’il n’avait