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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/342

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lèrent tout à coup à André un jeu de son enfance ; il apprit donc à ses trois amies la manière de les lancer, pour les faire sautiller longtemps à la surface polie de la mer, et elles s’y mirent avec passion, sans succès du reste… Mon Dieu ! combien elles étaient enfants, et rieuses, et simples, aujourd’hui, ces trois pauvres petites compliquées, surtout cette Djénane, qui s’était donné tant de mal pour gâcher sa vie !

Après cette heure unique, ils allèrent rejoindre leur voiture qui attendait là-bas, loin, pour les ramener à Scutari. Sur le bateau, bien entendu, ils ne se connaissaient plus. Mais pendant la courte traversée, ils eurent ensemble la réapparition merveilleuse de Stamboul, éclairage des soirs limpides. Un Stamboul vu de face, en enfilade ; d’abord les farouches remparts crénelés du Vieux Sérail, que baignait la nappe tout en argent rose de la Marmara ; et puis, au-dessus, l’enchevêtrement des minarets et des coupoles, profilé sur un rose différent, un rose de décembre aussi, mais moins argenté, moins blême que celui de la mer, tirant plutôt sur l’or…