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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/344

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nègres viendra vous porter à bord le mot d’ordre. Ne me refusez pas.

Que le bonheur vous accompagne, André, dans votre pays !… DJÉNANE."

Après le départ de Djénane, André resta cinq semaines encore à Constantinople, où il revit Zeyneb et Mélek. Quand le moment vint de prendre son congé de deux mois, il s’en alla par la ligne indiquée, emportant son fez ; mais à Salonique aucun nègre ne se présenta au paquebot. La relâche fut donc pour lui toute de mélancolie, à cause de cette attente déçue, —et aussi à cause du souvenir de Nedjibé qui planait encore sur cette ville et sur ces arides montagnes alentour. Et il repartit sans rien savoir de sa nouvelle amie.

Quelques jours après être arrivé en France, il reçut cette lettre de Djénane :

"Bounar-Bachi, près Salonique, 10 janvier 1905.

Quand et par qui pourrai-je faire jeter à la poste ce que je vais vous écrire, gardée comme je le suis ici ?

Vous êtes loin et on n’est pas sûr que vous reviendrez. Mes cousines m’ont raconté vos adieux et leur tristesse depuis votre départ. Quelle étrange chose, André, si on y songe, qu’il y ait des êtres dont la destinée soit de traîner la souffrance avec eux, une souffrance qui rayonne sur tout ce qui les approche ! Vous êtes ainsi et ce n’est pas votre faute. Vous souffrez de peines infiniment co