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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/345

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mpliquées, ou peut— être infiniment simples. Mais vous souffrez ; les vibrations de votre âme se résolvent toujours en douleur. On vous approche:on vous hait ou l’on vous aime. Et, si l’on vous aime, on souffre avec vous, par vous, de vous. Ces petites de Constantinople, vous avez été cette année un rayon dans leur vie ; rayon éphémère, elles le savaient d’avance. Et à présent elles souffrent de la nuit où elles sont retombées.

Pour moi, ce que vous avez été, peut-être un jour vous le dirai-je. Ma souffrance à moi est moins de ce que vous soyez parti que de vous avoir rencontré.

Vous m’en avez voulu sans doute de n’avoir pas arrangé une entrevue, à votre passage par Salonique. La chose en soi était possible, dans la campagne qui est déserte comme au temps de votre Nedjibé. Nous aurions eu dix minutes à nous, pour échanger quelques mots d’adieu, un serrement de main. Il est vrai, mon chagrin n’en aurait pas été allégé, au contraire. Pour des raisons qui m’appartiennent, je me suis abstenue. Mais ce n’est point la peur du danger qui a pu m’arrêter, oh ! loin de là; si, pour aller à vous, j’avais su la mort embusquée sur le chemin de mon retour, je n’aurais pas eu d’hésitation ni de trouble, et je vous aurais porté alors, André, l’adieu de mon cœur, tel que mon cœur voudrait vous le dire. Nous autres, femmes turques d’aujourd’hui, nous n’avons pas peur de la mort. N’est-ce pas vers elle que l’amour nous pousse ? Quand donc, pour nous, l’amour a-t-il été synonyme de vie ? DJÉNANE."

Et Mélek, chargée de faire passer cette lettre en France, avait ajouté sous la même enveloppe ces réflexions qui lui étaient venues :

« En songeant longuement à vous, notre ami, j’ai