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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/346

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trouvé, j’en suis sûre, plusieurs des causes de votre souffrance. Oh ! je vous connais maintenant, allez ! D’abord vous voulez toujours tout éterniser, et vous ne jouissez jamais pleinement de rien, parce que vous vous dites : » Cela va finir." Et puis la vie vous a tellement comblé, vous avez eu tant de choses bonnes dans les mains, tant de choses dont une seule suffirait au bonheur d’un autre, que vous les avez toutes laissé tomber, parce qu’il y en avait surabondance. Mais votre plus grand mal, c’est qu’on vous a trop aimé et qu’on vous l’a trop dit ; on vous a trop fait sentir que vous étiez indispensable aux existences dans lesquelles vous apparaissiez ; on est toujours venu au-devant de vous ; jamais vous n’avez eu besoin de faire aucun pas dans le chemin d’aucun sentiment : chaque fois, vous avez attendu. À présent vous sentez que tout est vide, parce que vous n’aimez pas vous-même, vous vous laissez aimer. Croyez-moi, aimez à votre tour, n’importe, une quelconque de vos innombrables amoureuses, et vous verrez comme ça vous guérira. MÉLEK."

La lettre de Djénane déplut à André, qui la jugea pas assez naturelle. « Si son affection, se disait-il, était si profonde, elle aurait, avant tout et malgré tout, désiré me dire adieu, soit à Stamboul, soit à Salonique ; il y a de la littérature là-dedans. » Il se sentait déçu ; sa confiance en elle était ébranlée, et il en souffrait. Il oubliait que c’était une Orientale, plus excessive en tout qu’une Européenne, et d’ailleurs bien plus indéchiffrable.

Il fut sur le point, dans sa réponse, de la traiter en enfant, comme il faisait quelquefois:« Un être qu