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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/354

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l’hiver, très rude cette année-là en Orient, avait dû aggraver beaucoup le mal qu’elle dédaignait de soigner. Quant à Mélek, pâlie elle aussi, un pli douloureux au front, on la sentait concentrée, presque tragique, mûrie soudain pour quelque résistance suprême.

"Ils veulent encore me marier ! dit-elle, âprement et sans plus en réponse à l’interrogation muette qu’elle avait devinée dans les yeux d’André.

— Et vous ? demanda-t-il à Zeyneb.

— Oh ! moi… j’ai la délivrance là, sous ma main", répondit-elle en touchant sa poitrine, que soulevait de temps à autre une petite toux sinistre.

Toutes deux se préoccupaient de cette lettre de Djénane, qui hier venait de passer par leurs mains, et qui était cachetée, chose sans précédent entre elles où il n’y avait jamais eu un mystère.

"Que pouvait-elle bien vous dire ?

— Mon Dieu !… Rien… Des enfantillages… Je ne sais quels absurdes caquets de harem, dont elle s’est émue bien à tort…

— Ah ! sans doute l’histoire de cette nouvelle inspiratrice de votre livre, qui aurait surgi, en dehors de nous ?…

— Justement. Et ça ne tient pas debout, je vous assure ; car, en dehors de vous trois et des quelques vagues fantômes à qui vous m’avez vous même présenté…