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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/357

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il y a des choses qu’il vaut mieux ne pas s’entêter à prolonger, surtout lorsqu’elles ne sauraient avoir que des solutions douloureuses ou coupables. Il entrevoyait donc, avec beaucoup de mélancolie, le recommencement de cette saison enchantée au Bosphore, où l’on circule en caïque sur l’eau bleue, le long des deux rives aux maisons grillagées, ou bien dans la Vallée-du-Grand-Seigneur et dans les montagnes de la côte d’Asie, tapissées de bruyères roses. Tout cela reviendrait une suprême fois, mais pour finir sans aucune espérance de retour. Sur les rendez-vous avec ses trois amies, pèserait, comme l’année dernière, la continuelle attente des délations, des espionnages capables en une minute de le séparer d’elles pour jamais, de plus, cette certitude de ne pas revoir l’été suivant serait là pour donner plus d’angoisse à la fuite des beaux jours d’août et de septembre, à la floraison des colchiques violets, à la jonchée de feuilles des platanes, à la première pluie d’octobre. Et puis surtout, il y aurait cet élément nouveau si imprévu, l’amour de Djénane, qui, même incomplètement avoué, même tenu en bride comme elle en serait capable avec sa petite main de fer, ne manquerait pas de rendre plus haletante et plus cruelle la fin de ce rêve oriental.