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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/370

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— Oui, toutes deux ; elles vous attendent.

À l’entrée du petit harem, de plus en plus pauvre et fané, Zeyneb se tenait le visage découvert.

Au fond, très dans l’ombre, Djénane, qui cependant vint à lui avec un élan tout spontané, tout jeune, lui donner sa main. Elle était bien là ; il réentendit sa voix de musique lointaine… Mais les yeux couleur d’eau profonde n’y étaient plus, ni les sourcils inclinés comme ceux des madones de douleur, ni l’ovale pur, ni rien : le voile était retombé aussi impénétrable qu’aux premiers jours ; prise d’épouvante pour s’être trop avancée, la petite princesse blanche se retirait dans sa tour d’ivoire… Et André comprit dès l’abord que toute prière serait inutile, que ce voile ne se relèverait plus jamais, à moins peut-être que ne survînt quelque circonstance tragique et suprême. Il eut le sentiment que, dans cette affection si défendue, la période légère et douce avait pris fin. On marchait à partir d’aujourd’hui vers l’inévitable drame.