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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/369

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il sentit plus que jamais, dès son réveil, l’inquiétude de son aspect. « Depuis l’année dernière, se disait-il, j’ai dû sensiblement vieillir ; il y a des fils argentés dans ma moustache, qui n’y étaient pas quand elle est partie. » Il eût donné beaucoup pour n’avoir jamais troublé le repos de son amie ; mais l’idée de déchoir physiquement à ses yeux lui était quand même insupportable.

Les êtres comme lui, qui auraient pu être de grands mystiques mais n’ont su trouver nulle part la lumière tant cherchée, se replient avec toute leur ardeur déçue vers l’amour et la jeunesse, s’y accrochent en désespérés quand ils les sentent fuir. Et alors commencent les puérils et lamentables désespoirs, parce que les cheveux blanchissent et que les yeux s’éteignent ; on épie, dans la terreur désolée, le moment où les femmes détourneront vers d’autres leur regard…

Le jeudi venu, André, à travers les désolations charmantes du Vieux-Stamboul, sous le beau ciel de juin, s’achemina vers Sultan-Selim, effrayé de la revoir, et peut-être plus encore d’être revu par elle…

En arrivant à l’impasse funèbre, levant les yeux, il aperçut tout de suite la petite chose blanche indicatrice, qui se détachait sur les bruns et les ocres sombres des maisons. Et, derrière la porte, il trouva Mélek aux aguets :

— Elles sont là ? demanda-t-il.