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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/384

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Quand il prit congé d’elles, le soir approchant, il sentit la petite main que lui tendit Mélek brûler comme du feu.

"Oh ! lui dit-il, effrayé, mais vous avez une main de grande fièvre !

— Depuis hier, oui, une fièvre qui augmente… Tant pis, hein, pour le capitaine Omar Bey !… Et ce soir, cela ne va pas du tout ; je sens une lourdeur dans la tête, une lourdeur… Il fallait bien que ce fût pour vous revoir, sans quoi je ne me serais pas levée aujourd’hui."

Et elle s’appuya au bras de Djénane. Une fois arrivés dans la plaine, ils ne devaient plus avoir l’air de se connaître, —dans la plaine tapissée de fleurs violettes et jonchée de feuilles d’or, —puisqu’il y avait là d’autres promeneurs, et des groupes de femmes, toujours ces groupes harmonieux et lents qui viennent le soir peupler la Vallée de Béicos. Comme d’habitude, André de loin les regarda partir, mais avec le sentiment cette fois qu’il ne reverrait plus jamais, jamais cela:à l’heure dorée par le soleil d’automne, ces trois petites créatures de transition et de souffrance, ayant leurs aspects d’ombres païennes et s’éloignant au fond de cette vallée du Repos, sur ces fines pelouses qui n’ont pas l’air réel, l’une dans ses voiles noirs, les deux autres dans leurs voiles blancs…