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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/395

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salée. André regarda ces pauvres loques, où les broderies dor avaient commencé de prendre, sous les embruns et le soleil, la patine des vieilles choses précieuses. Quen faire ? Les détruire, ne serait-ce pas moins triste que de les rapporter dans son pays, pour se dire plus tard, dans l’avenir morne, en retrouvant ces reliques, fanées de p lus en plus : « Cétait la livrée de mon caïque jadis, du temps lumineux où jhabitais au Bosphore… »

Le crépuscule arrivait. Il pria son domestique turc, celui qui était un ancien berger dEski-Chehir, de prendre sa flûte au son grave et de rejouer lair de lan dernier, lespèce de fugue sauvage qui exprimait maintenant pour lui tout lindicible dune fin dété, dans ce lieu, et dans ces circonstances spéciales. Puis, sétant accoudé à sa fenêtre, il regarda partir son caïque dont les rameurs étaient redevenus de pauvres bateliers, et qui allait redescendre par étapes vers Constantinople pour sy louer à un nouveau maître. Longtemps il suivit des yeux, sur leau de plus en plus couleur de nuit, cette longue chose blanche, effilée, dont la disparition dans les grisailles crépusculaires représentait pour lui la fuite pareille de deux étés dOrient.