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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/394

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dans une barque au moment de la séparation : « C’était très gentil de sa part, se dit-il donc tristement ; mais c’était encore un peu « littéraire » ; elle voulait imiter Nedjibé… Cela ne l’empêchera pas, dans quelques jours, de rouvrir les bras à son Hamdi. »

Et il continua de remonter le Bosphore en longeant de tout près la rive d’Asie ; déjà beaucoup de maisons vides, hermétiquement closes ; beaucoup de jardins aux grilles fermées, sous l’enchevêtrement des vignes vierges couleur de pourpre ; partout s’indiquait l’automne, le départ, la fin. Çà et là, sur ces petits quais où il est si défendu d’aborder, quelques femmes attardées à la campagne étaient encore venues s’asseoir au bord de l’eau pour ce dernier vendredi de la saison ; mais leurs yeux (tout ce qu’on voyait de leur visage), exprimaient la tristesse du retour si prochain au harem de la ville, l’appréhension de l’hiver. Et le soleil couchant éclairait toute cette mélancolie, comme un feu de Bengale rouge.

Lorsque André fut rentré dans sa maison de Thérapia, ses rameurs vinrent lui présenter leurs sélams d’adieu ; ils avaient repris leurs humbles costumes et chacun rapportait, soigneusement pliées, sa belle chemise en gaze de Brousse, et sa belle veste de velours capucine. Ils rapportaient aussi le long tapis en velours de même couleur, recommandant avec naïveté de bien le faire sécher parce qu’il était im-