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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/408

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dans les communs de cette antique demeure, une sorte d’office pavée de marbre, où il y avait au milieu une table en bois blanc, une cuve pleine d’eau chaude encore fumante, et un drap déplié sur un trépied ; dans un coin, un cercueil, — un léger cercueil aux parois minces comme on les fait en Turquie, — et enfin, par terre, un châle ancien roulé autour d’un bâton, un de ces châles « Validé » qui servent de drap mortuaire pour les riches : toutes ces choses, préparées bien à l’avance, car dans les pays d’Islam, un ensevelissement doit marcher très vite.

Quand les vieilles eurent étendu l’enfant sur la table, qui était courte, les beaux cheveux roux, toujours dénoués, descendirent jusque par terre. Avant de commencer leur besogne, elles firent à Djénane et à l’inconnue voilée un geste qui les congédiait. Celles-ci d’ailleurs se retiraient d’elles-mêmes, pour attendre dehors. Et Zeyneb, éveillée par quelque intuition de ce qui se passait, était venue se joindre à elles, — une Zeyneb qui ne pleurait pas, mais qui était plus blanche que la morte, avec des yeux plus cernés de bleuâtre. Toutes les trois restèrent là immobiles et glacées, suivant en esprit les phases de la toilette suprême, écoutant les bruits sinistres de l’eau qui ruisselait, des objets qui se déplaçaient dans cette salle sonore ; et, quand ce fut fini, la grande vieille les rappela :

— Venez maintenant la voir.