Aller au contenu

Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/412

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Dabord il attendit à lécart, dans le cimetière voisin de la maison. Et bientôt il vit sortir le léger cercueil, porté à lépaule par des gens quelconques, ainsi que le veut lusage en Turquie ; un vieux châle lenveloppait exactement, un châle « Validé » à raies vertes et rouges, et aux minutieux dessins de cachemire ; un petit voile blanc était posé dessus, du côté de la tête, pour indiquer que cétait une femme, et, innovation surprenante, il y avait aussi un modeste bouquet de roses épinglé au châle.

Chez les Turcs, on se hâte bien plus que chez nous denterrer les morts, et on nenvoie point de lettres de faire-part. Vient qui veut, les parents, les amis, chez qui la nouvelle sest répandue, les voisins, les domestiques. Jamais de femmes dans ces cortèges improvisés, et surtout point de porteurs : ce sont les passants qui en font loffice.

Un beau soleil de novembre, une belle journée lumineuse et calme ; Stamboul, resplendissant là-bas et, prenant son grand air immuable, au- dessus du léger brouillard d’automne qui enveloppait à ses pieds la Corne-dOr.

Bien souvent il passait dune épaule à une autre, le cercueil de Mélek, au gré des sens rencontrés en chemin et qui voulaient tous faire une action pieuse en portant quelques minutes cette petite morte inconnue. Devant, marchaient deux prêtres à turban vert ;