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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/413

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vert ; une centaine d’hommes suivaient, des hommes de toutes classes ; et il était venu aussi des vieux derviches, avec leurs bonnets de mages, qui psalmodiaient en route, à voix haute et lugubre, — comme ces cris de loups, les soirs d’hiver dans les bois.

On se rendit à une antique mosquée, en dehors des maisons, presque à la campagne, dans un bas-fond tout de suite sauvage. La petite Mélek fut déposée sur les dalles de la cour, et les Imams, en voix de fausset très douces, chantèrent les prières des morts.

Dix minutes à peine, et on se remit en marche pour descendre vers le golfe, prendre ensuite des barques, et gagner l’autre rive, les grands cimetières d’Eyoub où serait sa définitive demeure.

En approchant de la Corne-d’Or, dans les quartiers bas où il y avait beaucoup de monde, le cortège se fit plus lent, à cause de tous ceux qui voulurent en être. La petite Mélek fut portée là, à tour de rôle, par une quantité de bateliers ou de matelots. André, qui avait hésité jusqu’à cette heure, s’approcha enfin, rassuré par cette foule où il était comme perdu, il toucha de la main le vieux châle « Validé », avança l’épaule, et sentit le poids de sa petite amie s’y appuyer un peu le temps de faire une vingtaine de pas avec elle vers la mer.

Après, il s’éloigna pour tout à fait, de peur que son obstination à suivre ne fût remarquée…