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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/416

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pitoyables et d’immondes victuailles, nétaient plus des Turcs, mais un mélange de toutes les races levantines. Sauf le fez rouge qu’ils portaient encore, la moitié dentre eux navaient pas la dignité de garder le costume national, et saffublaient de ces loques européennes, rebuts de nos grandes villes, qui se déversent ici à pleins paquebots. Jamais aussi bien que cette fois il navait aperçu les usines, qui fumaient déjà de place en place, ni les grandes maisons bêtes, copies en plâtre de celles de nos faubourgs. « Je mobstine à voir Stamboul comme il nest plus, se dit-il ; il sécroule, il est fini. Maintenant il faut faire une complaisante et continuelle sélection de ce quon y regarde, des coins que lon y fréquente ; sur la hauteur, les mosquées tiennent encore, mais tous les bas quartiers sont déjà minés par le » progrès « , qui arrive grand train avec sa misère, son alcool, sa désespérance et ses explosifs. Le mauvais souffle dOccident a passé aussi sur la ville des Khalifes ; la voici » désenchantée" dans le même sens que le seront bientôt toutes les femmes de ses harems….

Mais ensuite il songea, plus tristement encore : "Après tout, quest-ce que ça peut me faire ? Je ne suis déjà plus quelquun dici, moi ; il y a une date absolue, qui va arriver très vite, celle du 30 novembre, et qui memmènera sans doute pour jamais. À part les humbles stèles blanches de Nedjibé, là-bas, dont lavenir minquiétera