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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/433

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où les chevaux marchent ! Elle sen va par le travers, comme une image que lon emporte, et tout sen va avec elle, les gens, ce grouillement de peuple, les maisons, la ville… Ah ! c’est le paquebot qui est parti !… Sans un bruit, sans une secousse, sans quon ait entendu tourner son hélice… La pensée ailleurs, il ny avait pas pris garde… Le grand paquebot, entraîne par des remorqueurs, séloigne du quai sans qu’on le sente remuer ; on dirait que c’est le quai qui fuit, qui se dérobe très vite, avec sa laideur, avec ses foules, tandis que le grand Stamboul, étant plus haut et plus lointain, ne bouge pas encore. La clameur des voix se perd, on ne distingue plus les mains qui disent adieu, —ni la caisse noire de cette voiture, au milieu des mille points rouges qui sont des fez turcs.

Toujours sans que rien n’ait semblé remuer à bord, et dans un silence presque soudain que lon nattendait pas, Stamboul lui-même commence de sestomper sous le brouillard et le crépuscule; toute cette Turquie sefface, avec une sorte de majesté funèbre, dans le lointain, — bientôt dans le passé.

Et André ne cesse de regarder, aussi longtemps quun vague contour de Stamboul reste dessiné au fond des grisailles du soir. Pour lui, de ce côté-là de lhorizon, persiste un charme dâmes et de formes féminines, —de celles qui sen allaient tout à lheure dans