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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/443

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devant la mort ! Et elle commençait par ces phrases un peu rythmées qui étaient dans sa manière ; des phrases dabord si calmes, quAndré eût douté presque, lui qui ne lavait pas vue « raidie et blanche », lui qui navait pas eu le contact de sa main de morte". LÀ LETTRE

"Mon ami, lheure est venue de nous dire adieu. Liradé par lequel je me croyais protégée a été rapporté, Zeyneb a dû vous lapprendre. Ma grand— mère et mes oncles ont tout préparé pour mon mariage, et demain doit me rendre à lhomme que vous savez.

Il en minuit et, dans la paix de la maison close, point dautre bruit que le grincement de ma plume ; rien ne veille, hors ma souffrance. Pour moi, le monde sest évanoui ; jai déjà pris congé de tout ce qui my était cher, jai écrit mes dernières volontés et mes adieux. Jai débarrassé mon âme de tout ce qui nen est pas lessence, jen ai voulu chasser toutes les images—pour que rien ne demeure entre vous et moi, pour ne donner quà vous les dernières heures de ma vie, et que ce soit vous seul qui sentiez sarrêter le dernier battement de mon cœur.

Car, mon ami, je vais mourir… Oh ! dune mort paisible semblable à un sommeil, et qui me gardera jolie. Le repos, loubli sont là, dans un flacon à portée de ma main. C’est un toxique arabe très doux qui, dit— on, donne à la mort lillusion de lamour.

André, avant de men aller de la vie, jai fait un pèlerinage à la petite tombe qui vous est chère. Jai voulu prier là et demander à celle que vous avez aimée de me secourir à lheure du départ, —et aussi de permettre à mon souvenir de se mêler au sien dans votre cœur. Et tantôt