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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/447

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âme joyeuse et reconnaissante elle eût emportée… Ah ! tout se brouille et tout se voile… On m’avait dit que je dormirais, mais je n’ai pas encore sommeil, seulement tout remue, tout se dédouble, tout danse, mes bougies sont comme des soleils, mes fleurs ont grandi, grandi, je suis dans une forêt de fleurs géantes…

Viens, André, viens près de moi, que fais-tu là parmi les roses ? Viens près de moi pendant que j’écris, je veux ton bras autour de moi et tes chers yeux près de mes lèvres. Là, mon amour, c’est ainsi que je veux dormir, tout près de toi, et te dire que je t’aime… Approche de moi tes yeux, car, de l’autre vie où je suis, on peut lire dans les âmes à travers les yeux… Et je suis une morte, André… Dans tes yeux clairs où je n’ai pas su voir, y a-t-il pour moi une larme ?… Je ne t’entends pas répondre parce que je suis morte… Pour cela je t’écris, tu n’entendrais pas ma voix lointaine…

Je t’aime, entends-tu au moins cela, je t’aime…"

Oh ! sentir ainsi, comme sous la main, cette agonie ! Être celui à qui elle s’était obstinée à parler quand même, pendant la minute de grand mystère où l’âme s’en va… Recueillir la dernière trace de sa chère pensée qui venait déjà du domaine des morts !…

"Et je m’en vais, je m’envole, serre-moi !… André !… Oh ! t’aimera-t-on encore d’un amour si tendre… Ah ! le sommeil vient et la plume est lourde ? Dans tes bras… mon bien-aimé………………………………………

Ils se perdaient, tracés à peine, les derniers mots. Du reste, ni cela, ni rien, celui qui lisait ne pouvait plus lire… Sur le