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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/69

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laquelle il fallait dire adieu… Pour que ce fût moins triste, elles avaient allumé toutes les bougies des candélabres, et la grande lampe en colonne, —dont l’abat-jour, suivant une mode encore nouvelle cette année-là, était plus large qu’un parasol et fait de pétales de fleurs. Et elles continuaient de passer en revue, de ranger, ou parfois de détruire mille petites choses qu’elles avaient longtemps gardées comme des souvenirs très précieux. C’étaient de ces gerbes de fils d’argent ou de fils d’or qu’il est d’usage de mettre dans la chevelure des mariées, et que les demoiselles d’honneur conservent ensuite jusqu’à ce que vienne leur tour ; il y en avait çà et là, qui brillaient, accrochées par des nœuds de ruban aux frontons des glaces, aux parois blanches de la chambre, et elles évoquaient les jolis et pâles visages d’amies qui souffraient, ou qui étaient mortes. C’étaient, dans une armoire, des poupées que jadis on aimait tendrement ; des jouets brisés, des fleurs desséchées, de pauvres petites reliques de leur enfance, de leur prime jeunesse passée en commun, entre les murs de cette vieille demeure. Il y avait aussi, dans des cadres presque tous peints ou brodés par elles-mêmes, des photographies de jeunes femmes des ambassades, ou bien de jeunes musulmanes en robe du soir—que l’on eût prises pour des Parisiennes élégantes, sans le petit griffonnage en caractères arabes inscrit au bas : pensée