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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/68

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cable musulmane, et puis devenue une sorte d’enfant prodigue dont on n’espérait même plus le retour aux traditions héréditaires, elle l’aimait bien quand même, mais elle avait toujours cru devoir se montrer sévère, et aujourd’hui, devant cette rébellion sourde, incompréhensible, elle voulait encore exagérer la froideur et la dureté. Quant au pacha, lui, qui avait de tout temps comblé et gâté son enfant unique comme une sultane des Mille et une Nuits, et qui en avait reçu en échange une si douce tendresse, il ne comprenait pas mieux que sa vieille belle-mère 1320, et il s’indignait aussi ; non, c’était trop, ce dernier caprice : faire sa petite martyre, parce que, le moment venu de lui donner un maître, on lui avait choisi un joli garçon, riche, de grande famille, et en faveur auprès de Sa Majesté Impériale !… Et enfin la pauvre institutrice, qui au moins se sentait innocente de ces fiançailles, qui avait toujours été la confidente et l’amie, s’étonnait douloureusement en silence : puisque son élève si chère l’avait fait revenir dans la maison pour le mariage, pourquoi ne voulait-elle pas de sa compagnie, là-haut chez elle, pour le dernier soir ?…

Mais non, les trois petites fantasques — ne croyant pas d’ailleurs lui faire tant de peine — avaient désiré être seules, la veille d’une telle séparation.

Finies à jamais, leurs soirées rien qu’à elles trois, dans cette chambre qui serait inhabitée demain et