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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/77

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Beauté de rose), qui, trente ans plus tôt, était devenue presque de la famille, pour avoir eu un enfant d’un beau-frère du pacha. L’enfant était mort, et on l’avait mariée avec un intendant, à la campagne. L’intendant était mort, et un beau jour elle avait reparu, en visite, apportant quantité de hardes, dans des sacs en laine à la mode d’autrefois. Or, cette « visite » durait depuis tantôt vingt-cinq ans. Madame Husnugul, moitié dame de compagnie, moitié surveillante et espionne de la jeunesse, était devenue le bras droit de la vieille maîtresse de céans ; d’ailleurs bien élevée, elle faisait maintenant des visites pour son propre compte chez les dames du voisinage ; elle était admise, tant on est indulgent et égalitaire en Turquie, même dans le meilleur monde. Quantité de familles à Constantinople ont ainsi dans leur sein une madame Husnugul, —ou Gulchinasse (Servante de rose), ou Chemsigul (Rose solaire), ou Purkiémal (La parfaite), ou autre chose dans ce genre, —qui est toujours un fléau. Mais les vieilles dames 1320 apprécient les services de ces duègnes, qui suivent les jeunes filles à la promenade, et puis font leur petit rapport en rentrant.

Il n’y avait pas à discuter l’ordre transmis par madame Husnugul. Les trois petites désolées fermèrent en silence le piano et soufflèrent les bougies.

Mais, avant de se mettre au lit, elles se jetèrent dans