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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/76

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les racines des cyprès, durent s’étonner beaucoup de cette fenêtre éclairée si tard et jetant au milieu de leur domaine obscur sa traînée lumineuse : une fenêtre de harem, sans nul doute, vu son grillage, mais d’où s’échappaient des mélodies pour eux bien étranges…

Zeyneb cependant achevait à peine la phrase sublime : « Je n’invoquerai point votre pitié cruelle », quand la petite accompagnatrice s’arrêta, saisie, en frappant un accord faux… Une forme humaine, qu’elle avait été la première à apercevoir, venait de se dresser près du piano ; une forme grande et maigre en vêtements sombres, apparue sans bruit comme apparaissent les revenants !…

Ce n’était point une divinité du Styx, non, mais cela ne valait guère mieux : à peu près « kif-kif », suivant l’expression qui amusait cette petite Mélek aux cheveux roux. C’était madame Husnugul, la terreur de la maison : « Votre grand-mère, dit celle-ci, vous commande d’aller vous coucher et d’éteindre les lumières. » Et elle s’en alla, sans bruit comme elle était venue, les laissant glacées toutes les trois. Elle avait un talent pour arriver toujours et partout sans qu’on eût pu l’entendre ; c’est, il est vrai, plus facile qu’ailleurs, dans les harems, puisque les portes ne s’y ferment jamais.

Une ancienne esclave circassienne, la madame Husnugul (