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MADAME CHRYSANTHÈME

selle sur ses belles jambes nues, et il nous apporte deux parapluies, empruntés à un marchand de porcelaine qui est aussi notre parent éloigné. Yves, comme moi, jamais de sa vie n’avait voulu se servir de ce genre d’objet, mais il accepte ceux-ci parce qu’ils sont drôles : en papier naturellement, à plissures cirées et gommées, avec l’inévitable vol de cigognes semé en guirlande tout autour.

Chrysanthème, bâillant de plus en plus à sa manière chatte et devenue câline pour se faire traîner, essaie de prendre mon bras :

— Mousmé, pour ce soir, si tu demandais plutôt ce service à Yves-San ; je suis sûr que cela nous arrangerait tous les trois.

La voilà donc, elle toute petite, pendue à ce très grand, et ils grimpent. J’ouvre la marche, portant la lanterne qui nous éclaire, et dont j’abrite la flamme de mon mieux sous mon extravagant parapluie.

De chaque côté du chemin, on entend comme un torrent qui roule : l’eau de tout cet orage dégringolant de la montagne. La route nous paraît longue cette nuit, difficile, glissante ; les séries de marches, interminables. Des jardins, des maisons,