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MADAME CHRYSANTÈME

échafaudés les uns par-dessus les autres ; des terrains vagues, des arbres qui, dans l’obscurité, se secouent sur nos têtes.

On dirait que Nagasaki monte en même temps que nous, — mais là-bas, très loin, dans une sorte de buée qui semble lumineuse sous le noir du ciel ; il sort de cette ville un bruit confus de voix, de roulements, de gongs, de rires.

Cette pluie d’été n’a pas rafraîchi l’air encore. À cause de la chaleur orageuse qu’il fait, les maisonnettes de ce faubourg sont restées ouvertes, comme des hangars, et nous voyons ce qui s’y passe. Des lampes toujours allumées devant les Bouddhas familiers et les autels d’ancêtres ; — mais tous les bons Nippons déjà couchés. Sous les traditionnels tendelets de gaze bleu-vert, on les aperçoit, étendus par rangées, par familles ; ils dorment, chassent des moustiques ou s’éventent : des Nippons, des Nipponnes, et des bébés nippons aussi, à côté de leurs parents ; chacun, jeune ou vieux, ayant sa robe de nuit en indienne bleu foncé et son petit chevalet en bois pour reposer sa nuque.

Il y a de rares maisons où l’on s’amuse encore :