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MADAME CHRYSANTHÈME

Voilà donc Yves couché et dormant sous notre toit.

Le sommeil lui est venu ce soir plus vite qu’à moi-même : c’est que j’ai cru remarquer des regards très longs, de Chrysanthème à lui, de lui à Chrysanthème.

Je lui laisse entre les mains cette petite comme un jouet, et une crainte me vient à présent d’avoir jeté un certain trouble dans sa tête. De cette Japonaise, je me soucie comme de rien. Mais Yves… ce serait mal de sa part, et cela porterait une atteinte grave à ma confiance en lui…

On entend la pluie tomber sur notre vieux toit ; les cigales se taisent ; des senteurs de terre mouillée nous arrivent des jardins et de la montagne. Je m’ennuie désespérément dans ce gîte ce soir ; le bruit de la petite pipe m’irrite plus que de coutume et, quand Chrysanthème s’accroupit devant sa boîte à fumer, je lui trouve un air peuple dans le plus mauvais sens du mot.

Je la prendrais en haine, ma mousmé, si elle entraînait mon pauvre Yves à une mauvaise action que je ne lui pardonnerais peut-être plus…