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MADAME CHRYSANTHÈME

et au-dessus duquel des arbres gigantesques, les cryptomérias sacrés, étendent comme un dôme leurs branches noires.

Nous voilà assis tous, avec nos mousmés, sous le tendelet enguirlandé de fleurs d’une des nombreuses petites maisons de thé que l’on a improvisées dans cette cour. Nous sommes sur une terrasse, en haut des grands escaliers par où la foule continue d’affluer ; nous sommes aux pieds d’un portique qui se dresse tout d’une pièce dans le ciel de la nuit avec une massive rigidité de colosse ; aux pieds aussi d’un monstre qui abaisse vers nous le regard de ses gros yeux de pierre, sa grimace méchante et son rire.

Ce portique et ce monstre sont les deux grandes choses écrasantes du premier plan, dans le décor invraisemblable de cette fête ; ils se découpent avec une hardiesse un peu vertigineuse sur tout ce bleu vague et cendré là-bas, qui est le lointain, l’air, le vide ; derrière eux, Nagasaki se déroule, à vol d’oiseau, très faiblement dessiné dans de l’obscurité transparente avec des myriades de petits feux de couleurs ; puis les montagnes esquissent sur le ciel plein d’étoiles leurs dente-